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Sondage alarmant : plus de 70 % des médecins envisagent de quitter le Nord-Ouest du Québec

Hind Dekkar
Un médecin
Publié le 4 novembre 2025 par Hind DekkarPhoto : Pexels


Un sondage mené récemment auprès des médecins omnipraticiens du Nord-Ouest du Québec révèle une situation préoccupante : plus de 70 % des répondants envisagent de quitter la région ou de cesser leur pratique à court ou moyen terme. Selon le docteur Jean-François Verville, président de l’ l’Association des médecins omnipraticiens du Nord-Ouest du Québec (AMONOQ), ce chiffre met en lumière une crise latente dans les milieux médicaux éloignés.

Le sondage a été réalisé dans les deux semaines précédant l’adoption de la loi spéciale, notamment le projet de loi 106, visant à réformer le mode de rémunération des médecins au Québec, présenté par le ministre de la Santé Christian Dubé. Selon le Dr Verville, cette période était particulièrement tendue : «On voulait savoir ce que les médecins prévoyaient concrètement si ce projet de loi allait de l’avant et quelles étaient leurs intentions face à cette réforme  » Les résultats sont sans appel, en effet une majorité significative de praticiens envisagent de quitter leur poste.

Des conséquences potentiellement catastrophiques

Le départ massif de médecins pourrait avoir des effets dévastateurs sur l’accès aux soins dans des régions déjà fragilisées comme le Nord du Québec et l'Abitibi-Témiscamingue. « Ce sont souvent de petites équipes médicales. Il ne faut pas beaucoup de départs pour déstabiliser complètement les soins », alerte le Dr Verville. Les pénuries sont déjà bien présentes, et les difficultés de recrutement persistent depuis plusieurs années.

Des réformes contestées

Les dispositions de la loi 2, adoptée sous bâillon, suscitent de vives préoccupations au sein du corps médical. Deux mesures en particulier font l’objet de critiques. D’une part, l’instauration d’objectifs collectifs de performance centrés sur le volume des soins soulève des inquiétudes quant à une possible dégradation de leur qualité. D’autre part, le retrait d’une part importante des revenus des médecins, jusque-là utilisée pour financer les cliniques médicales privées où ils exercent, menace directement la viabilité de ces établissements et le modèle de pratique qu’ils soutiennent, « on vient enlever cette partie du revenu des médecins qui correspond à peu près à 30 % dans certains cas », précise le Dr Verville. À ce jour, aucune garantie n’a été donnée quant au retour de ces montants pour couvrir les frais de fonctionnement des cliniques.

Une relève médicale en péril

Parmi les répondants, 39 % sont âgés de 30 à 39 ans. Cette tranche représente une relève essentielle pour le maintien du réseau. Or, les leviers pour les retenir sont quasi inexistants. « L’adoption de la loi spéciale fait que les associations perdent beaucoup de pouvoir en termes de négociation », déplore le président de l’association. Les jeunes médecins songent à s’établir en Ontario ou au Nouveau-Brunswick, tandis que les plus expérimentés envisagent une retraite anticipée.

Confrontés à une impasse, les médecins du Nord-Ouest du Québec se sont mobilisés. Le 1er novembre, une manifestation s’est tenue à Rouyn-Noranda, en parallèle d’un rassemblement devant l’Assemblée nationale à Québec. Ces actions visent à interpeller le gouvernement sur les risques que fait peser la réforme sur le réseau régional de soins.