
Chapais retrouve son fondateur : une rare photo de Leo Springer refait surface après près d’un siècle

La Société d’histoire et de généalogie de Val-d’Or a marqué un tournant important dans la préservation du patrimoine du Nord-du-Québec en transférant en avril 2025, trois précieuses collections d’archives à la Société d’histoire de la Baie-James (SHBJ). Ce don représente une avancée majeure pour la région, qui voit ainsi son histoire mieux documentée et valorisée.
Parmi ces collections, certaines illustrent la prospection minière des années 1930 à Chibougamau, tandis que l’autre document témoigne de la construction du chemin de fer vers Matagami. « Nous n'avions rien sur Matagami dans nos collections, donc c'est un début », souligne Marie-Claude Duchesne, directrice-archiviste de la SHBJ, exprimant sa satisfaction devant ces nouvelles acquisitions. Cependant, la plus vaste et la plus significative des collections touche l’ensemble du Nord-du-Québec, allant du lac Matagami à Kuujjuaq en passant par Chibougamau. Elle constitue un véritable trésor documentaire sur les ressources du territoire.
Jean-Baptiste Lebel : un industriel et visionnaire du Nord
Jean-Baptiste Lebel, entrepreneur forestier et fondateur de Lebel-sur-Quévillon, était animé par une passion pour les ressources naturelles. En 1948, il entreprend de collecter quelque 200 photographies révélant le potentiel du Nord-du-Québec, capturant notamment des scènes des expéditions de James Richardson (1860) et Albert Peter Low (1890-1899) pour la Commission géologique du Canada.
Ses images dévoilent un panorama impressionnant allant des premières mines de Chibougamau aux paysages du lac Opémiska, en passant par les rivières Eastmain et Kuujjuaq. Ce travail, motivé par des intérêts économiques personnels, reflète la vision d’un homme convaincu de l’importance du développement des ressources et des infrastructures nordiques. « Monsieur Lebel avait une vision globale du développement des ressources du Nord », rappelle madame Duchesne. Après son décès, ses archives ont été confiées à la Société d’histoire et de généalogie de Val-d’Or plutôt que d’être dispersées ou perdues, permettant leur préservation et leur transmission.

Une révélation inédite : la photo oubliée de Léo Springer
La surprise la plus marquante de cette collection est une photographie inédite montrant deux prospecteurs jusqu’alors non identifiés. Après analyse, les experts ont confirmé qu’il s’agissait de Leo Springer et de son pilote Lloyd B. Rochester, une découverte d’une portée historique considérable.
En 1929, Springer, accompagné de Rochester et des prospecteurs Joe Perry et Gaston Robitaille, mène des recherches sur un gisement de cuivre dans la région du lac Opémiska. Sa découverte conduira à l’ouverture de la mine Opémiska et à la fondation de la ville de Chapais. Ironie du sort, cette révélation intervient alors que Chapais célèbre son 70ᵉ anniversaire, renforçant l’émotion suscitée par cette trouvaille. « Leo Springer est un personnage fondateur de l’histoire de Chapais », précise Marie-Claude Duchesne. Jusqu’à présent, aucune photographie de lui n’avait été conservée dans la région, malgré l’existence d’un monument à son honneur. Grâce à cette archive exceptionnelle, son visage peut enfin être associé à son héritage.
Le défi de la territorialité des archives
La préservation des archives repose sur des principes fondamentaux, dont celui de la territorialité : les documents doivent être conservés là où ils ont été créés afin d’assurer leur compréhension et leur mise en valeur. Cependant, dans le cas de la Baie-James, dont l’histoire a longtemps été liée à l’Abitibi et au Lac Saint-Jean, de nombreuses archives sont disséminées ailleurs.
Une autre contrainte majeure est le respect des fonds, qui implique de conserver l’intégralité des archives d’une personne ou d’une organisation afin de préserver leur sens historique. La mobilité de la population Jamésienne rend ce principe complexe à appliquer. Heureusement, les collections transférées par la Société d’histoire et de généalogie de Val-d’Or ne concernent que le Nord-du-Québec, permettant un rapatriement respectueux de ces règles. « C’est une chance pour nous », se réjouit madame Duchesne.

Une collaboration essentielle entre institutions historiques
Ce transfert s’inscrit dans une longue tradition de coopération entre la Société d'histoire de la Baie-James et la Société d’histoire et de généalogie de Val-d’Or. Ces dernières années, leurs équipes se sont régulièrement rencontrées pour échanger sur leurs défis, partager des ressources et discuter de projets communs. Ce réseau de solidarité est crucial pour les centres d’archives en région, souvent confrontés à des difficultés spécifiques telles que l’éloignement et le manque de personnel. « Il est essentiel de pouvoir compter sur nos voisins pour échanger des conseils et maintenir des relations de collaboration », insiste la directrice-archiviste. Cet esprit de coopération a rendu possible l’acquisition de documents précieux pour l’histoire du Nord-du-Québec.
Grâce à cette initiative, une partie de l’histoire du Nord-du-Québec reprend vie, enrichissant la mémoire collective. Le transfert de ces archives illustre l’importance de la préservation patrimoniale et de la coopération entre institutions historiques. Quant à la photographie de Leo Springer, elle marque une avancée symbolique pour Chapais, une ville qui peut enfin associer un visage à l’homme qui a façonné son avenir.