
Projet de loi 104 : une réforme fiscale aux retombées incertaines pour la Baie-James

L’Assemblée nationale a adopté le projet de loi no 104, présenté par la ministre des Affaires municipales Geneviève Guilbault. Cette réforme entend moderniser la fiscalité locale et simplifier l’usage de certains pouvoirs déjà accordés aux municipalités. Elle s’inscrit dans une logique de décentralisation et de diversification des revenus, mais ses retombées apparaissent incertaines dans des territoires particuliers comme la Baie-James, où l’absence de Municipalité régionale de comté (MRC) oblige les villes à financer seules leurs projets.
Le projet de réforme s’articule autour de trois ajustements majeurs. D’abord, il prévoit l’intégration des redevances réglementaires directement au compte de taxes, une mesure destinée à alléger les lourdeurs administratives qui pèsent sur les municipalités et les contribuables. Ensuite, il introduit un mécanisme d’étalement du paiement des redevances de développement, offrant ainsi une plus grande souplesse dans le financement des infrastructures immobilières et permettant aux promoteurs de mieux planifier leurs investissements. Enfin, la réforme propose une modulation des taux de taxation applicables aux immeubles non résidentiels. Cette approche différenciée, fondée sur la valeur des propriétés, vise à instaurer une fiscalité plus équitable et adaptée aux réalités économiques locales.
Autonomie accrue, mais encadrée
La loi élargit aussi les pouvoirs de cautionnement des municipalités, qui pourront garantir des projets locaux sans autorisation ministérielle, sauf si le montant dépasse 20 % du budget de fonctionnement. Elle autorise également l’octroi d’une aide financière, technique ou matérielle pour l’entretien des chemins multiusages, essentiels à l’accès au territoire public dans une région vaste et peu peuplée comme la Baie-James.
Des réalités locales différentes
À Matagami, le maire René Dubé constate que la réforme « répond à un besoin des grands centres du Sud, comme Montréal ou Québec », mais il peine à en voir l’utilité pour les localités isolées. Selon lui, le projet pourrait néanmoins servir de levier politique : « Ce sera peut-être une occasion réelle de revendiquer nos différences par rapport aux grands centres. Mais il faudra que les maires s’assoient ensemble pour l’analyser correctement. À première vue, ça ne répond pas à nos besoins. »
À Lebel-sur-Quévillon, le maire Guy Lafrenière partage ces inquiétudes. Pour lui, la loi « convient aux grosses villes et aux MRC », mais reste difficile à appliquer dans une région où quatre petites municipalités doivent fonctionner sans structure régionale. Il dénonce surtout une bureaucratie toujours plus pesante : « En 1999, on nous promettait moins de paperasse. En 2025, il y en a beaucoup plus. On envisage même d’embaucher un employé à temps partiel juste pour remplir les formulaires. »
La possibilité d’imposer des redevances municipales ou d’étaler les paiements de développement ne convainc pas les élus. Dans des villes dépourvues de mines ou d’industries locales, Lafrenière souligne qu’« on n’est pas pour facturer nos citoyens encore plus ». Les sources de revenus apparaissent limitées et difficiles à identifier. Il admet que certaines dispositions pourraient profiter aux grands centres, mais pour la Baie-James, « je ne vois pas encore l’avantage. Peut-être qu’il y en aura, mais ce n’est pas clair. »
Le ministère des Affaires municipales prévoit publier des précisions dans le bulletin Muni-Express, ce qui permettra de mieux mesurer les retombées concrètes de la réforme. En attendant, les municipalités de la Baie-James disposent d’un cadre plus souple, mais doivent composer avec une réalité persistante, à savoir l’absence de MRC et une forte dépendance aux revenus des industries extractives.




