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Nichèle Compartino ouvre son mandat en affrontant l’enjeu de l’itinérance à Chibougamau

Hind Dekkar
Hôtel de Ville de Chibougamau
Publié le 2 décembre 2025 par Hind DekkarHôtel de Ville de Chibougamau / Photo : Nicolas Fivel


À peine élue, la nouvelle mairesse de Chibougamau, Nichèle Compartino, place la question de l’itinérance au cœur de ses priorités. Un phénomène récent dans la ville nordique, mais qui s’inscrit dans une tendance plus large observée au Québec et au Canada.

Succédant à Manon Cyr, qui a dirigé la municipalité pendant quatre mandats, Mme Compartino reconnaît la responsabilité particulière qui lui incombe. « Les chaussures sont vraiment très grandes à chausser pour moi, Manon a laissé sa trace. Pour moi, c’est un grand privilège de succéder à Madame Cyr », confie-t-elle. Si elle se dit honorée, elle insiste sur sa volonté d’apporter sa propre approche : « On s’entend bien souvent sur les objectifs, mais sur la façon d’y arriver, on a deux façons de travailler complètement différentes. »

Nichèle Compartino, mairesse de ChibougamauPhoto : portrait officiel de Nichèle CompartinoNichèle Compartino, mairesse de Chibougamau

Depuis plusieurs mois, des citoyens expriment un malaise croissant devant la présence visible de personnes en situation d’itinérance au centre-ville. Certains affirment ressentir une insécurité nouvelle. Pour vérifier si cette impression correspondait à une hausse réelle de la criminalité, la municipalité a sollicité la Sûreté du Québec (SQ). Les données recueillies ont confirmé qu’aucune augmentation des crimes contre la personne ou contre la propriété n’avait été observée. La population demeure donc en sécurité, même si la visibilité accrue de la pauvreté dans l’espace public suscite un inconfort légitime.

La mairesse reconnaît que cette réalité est dérangeante pour plusieurs citoyens. Elle rappelle toutefois qu’il s’agit avant tout de cohabiter avec des personnes vulnérables, dont la présence dans la rue confronte chacun à la misère humaine.

Une cellule de travail pour coordonner les acteurs

Afin de répondre à ces préoccupations, la mairesse a annoncé la création d’une cellule de travail sur l’itinérance et la cohabitation sociale. Autour de la table, on retrouve la SQ, le centre de santé, le carrefour communautaire, le centre Les Ailes du Nord, l’organisme Zéphyr, ainsi que le centre d’amitié autochtone.

« Nous pensons disposer des bons joueurs pour être capables de nous doter d’un plan d’action dont l’objectif est de bien circonscrire le phénomène et de s’assurer que dès l’été prochain, il n’y ait pas de recrudescence », précise-t-elle.

Selon les estimations municipales, une vingtaine de personnes en situation d’itinérance visible fréquentent le centre-ville. « Ce ne sont jamais les mêmes, mais elles dérangent parce qu’elles sont intoxiquées ou font face à des problèmes de santé mentale », note Mme Compartino.

L’itinérance invisible, un enjeu majeur

Au-delà des cas visibles, la municipalité insiste sur l’importance de prendre en compte l’itinérance invisible. Pour chaque personne dans la rue, on estime qu’il y en aurait quarante-cinq autres vivant une précarité moins apparente. Cette réalité englobe des individus dormant dans une voiture, hébergés temporairement chez des proches ou en transition entre deux logements. Ces situations échappent fréquemment aux statistiques officielles, mais fragilisent durablement les personnes concernées.

La halte-chaleur : vers une permanence ?

Chibougamau a ouvert pour la troisième année consécutive une halte-chaleur, accessible jusqu’en avril. La question de sa pérennisation est désormais posée. « Je pense qu’il pourrait être réaliste de conserver la halte-chaleur. Mais ce sera évalué avec les partenaires », explique Mme Compartino. Dans cette optique, la cellule de travail souhaite tracer une « trajectoire des ressources » : où aller lorsqu’on a froid, lorsqu’on a besoin d’un toit, en été comme en hiver. Selon les résultats, la halte-chaleur pourrait être adaptée ou transformée pour répondre aux besoins saisonniers.

En tant que ville la plus peuplée de la Baie-James, Chibougamau dispose de services plus nombreux que les localités environnantes. Cette centralité implique une responsabilité accrue envers les personnes vulnérables. La mairesse souligne la nécessité de sensibiliser les citoyens et de faire œuvre de pédagogie autour du phénomène de l’itinérance, avec l’appui des experts. L’information et la compréhension du public sont essentielles pour favoriser une ouverture et une meilleure capacité d’aide.

Pour la mairesse, l’itinérance ne doit pas être politisée. « C’est une responsabilité collective », affirme-t-elle. Elle invite les citoyens à poser de petits gestes au quotidien pour orienter les personnes vulnérables vers les bonnes ressources. L’objectif est de bâtir une communauté plus solidaire et bienveillante, capable de conjuguer sécurité publique et soutien aux plus fragiles.