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Pour avoir un passé à léguer

Hind Dekkar
Un exemple de photographie abîmée par un mauvais entreposage.  Photo : Scotty Stevenson lors de l’achat de son avion Foxmoth CFEXW à Toronto, [date incertaine]. Société d’histoire de la Baie-James / P024,S1,D4,P3
Publié le 22 septembre 2025 par Hind DekkarUn exemple de photographie abîmée par un mauvais entreposage. Photo : Scotty Stevenson lors de l’achat de son avion Foxmoth CFEXW à Toronto, [date incertaine]. Société d’histoire de la Baie-James / P024,S1,D4,P3


Ma grand-mère avait une boîte de photos dans sa chambre. Elle renfermait les portraits figés dans le temps de ses parents, de ses frères et sœurs, de ses grands-parents, nés en 1850. De sa jeunesse vécue dans les années 1930, sur une ferme du nord du lac Saint-Jean.

Ado, j’ai passé beaucoup de temps à scruter ces images, à les identifier. J’en ai encore des souvenirs très clairs. Je trouvais fascinant, en 2004, de pouvoir en apprendre plus sur la personnalité de ces gens nés au XIXe siècle, et de pouvoir mettre un visage sur les histoires de mes grands-parents.

J’ignore ce que sont devenues ces photos. Elles doivent dormir dans un garde-robe, chez un cousin. Elles ont peut-être été dispersées aussi. Elles finiront peut-être leur parcours, un jour, chez un collectionneur. Il n’y aura plus que des visages, et personne pour reconnaître sur ces photos, ma grand-mère à 14 ans et ses sœurs, coquettes, revenant de la messe ; ou encore sa grand-mère Malvina, sage-femme au visage sévère (elle l’était selon grand’man). Pire, elles finiront peut-être noyées dans un dégât d’eau.

J’ai découvert le travail des archives plutôt récemment. Et c’est un monde en soi, avec ses normes, ses pratiques… et ses merveilles ! Les centres d’archives reçoivent régulièrement des dons de documents anciens. Des dons toujours bienvenus, d’individus, d’organismes ou d’entreprises, qui offrent ce patrimoine à la communauté, puisque les centres d’archives sont des services accessibles au public. Certains documents ont toutefois parfois beaucoup « souffert » et sont dans des états malheureux, qui auraient pu être évités.

C’est ce qui m’a donné envie d’écrire cette chronique depuis quelques temps. Pour vous offrir quelques conseils de préservation de vos archives familiales. Pas pour moi, ni pour les centres d’archives. Mais pour avoir un passé à léguer à vos proches.

Conservation

La première étape pour assurer la protection de vos souvenirs de famille, est de leur offrir des conditions d’entreposage sécuritaires. Pour y arriver, voici 3 bases à retenir : lumière, humidité, propreté.

La lumière est l’ennemi de vos trésors familiaux. Avec le temps, les photos exposées ont tendance à blanchir, jusqu’à l’effacement de l’image. Quant au papier, il devient jaune et fragile en peu de temps. Si vous souhaitez afficher des photos de familles sur vos murs, mieux vaut en faire des reproductions et conserver les photos originales dans une boîte.

La suite est tout aussi simple. Évitez de conserver vos documents anciens dans un endroit trop sec et chaud – comme dans un solarium ou dans la même pièce que le poêle à bois par exemple – ou dans un endroit trop humide ou à risque en cas de dégât d’eau – comme le sol de la cave. Ce genre de conditions peuvent faire sécher et craquer le papier, ou encore faire courber les photos. La tablette du haut dans une garde-robe peut très bien faire l’affaire. L’important c’est de tenir vos documents éloignés de ces sources possibles de dommages.

Finalement, les entreposer dans un endroit propre est de mise. Certains insectes qui peuvent être attirés par la saleté, les restants de nourriture et peuvent aussi s’en prendre au papier.

Manipulation

Avez-vous déjà remarqué une photo polaroïd avec une trace de doigts bien imprimée ? Nos mains sont naturellement légèrement huileuses et acides. Les photos peuvent rester marquées par ces résidus invisibles de nos mains. Nul besoin de porter des gants comme les archivistes pour fouiller dans sa boîte à souvenirs. Se laver les mains et tenir les photos par les coins peuvent éviter bien des dommages.

Un exemple de photographie abîmée par des empreintes de doigts / Georges (?), Wally McQuade, Ray Wilkie, Helène Lavoie et Jos Mann à l’hôtel Waconichi de Chibougamau, vers 1954Photo : Société d’histoire de la Baie-James / P024,S1,D8,P12Un exemple de photographie abîmée par des empreintes de doigts / Georges (?), Wally McQuade, Ray Wilkie, Helène Lavoie et Jos Mann à l’hôtel Waconichi de Chibougamau, vers 1954

Identification

Si vous souhaitez que vos trésors familiaux demeurent dans la famille pour longtemps et soient appréciés à leur juste valeur, il serait bon de les identifier, pour que les visages et les évènements sur les photos ne sombrent pas dans l’oubli. Cette tâche demande beaucoup de temps. Commenter les photos d’une vie, d’une famille ne se fait pas en une journée. C’est un projet. Moi-même je n’ai jamais eu le courage de m’y lancer... C’est toutefois ce qui donne toute sa valeur au trésor familial. Si vous décidez d’écrire au verso de vos photos, le crayon de plomb est l’idéal : les stylos peuvent déteindre sur les autres photos. Vous pouvez aussi numéroter vos photos et les décrire dans un cahier séparé. Finalement, il est intéressant d’indiquer les informations suivantes : Quel évènement ? Qui est-ce ? Quand ? Où ?

Il existe bien d’autres manières de favoriser la pérennité de vos archives familiales. N’hésitez-pas à écrire ou téléphoner dans le centre d’archives le plus près de chez vous pour plus de conseils… pour avoir un passé à léguer.

Par Marie-Claude Duchesne, directrice-archiviste à la Société d’histoire de la Baie-James.