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Eeyou Istchee Baie-James : vers une cohabitation ancrée dans le respect et la collaboration

Nicolas Fivel
Pour les deux leaders autochtones Mark Wadden et Irene Neeposh, le respect mutuel, l’éducation et le dialogue sont les clés d’un avenir partagé et prospère.
Publié le 31 mai 2025 par Nicolas FivelPhoto : Aurore Info

Au cœur du vaste territoire d’Eeyou Istchee Baie-James, s’étendant sur plus de 350 000 km², deux identités partagent un même espace : les neuf nations cries et les communautés jamésiennes. Malgré les différences culturelles et économiques, les ponts se multiplient pour construire une cohabitation durable fondée sur l’écoute ouverte, la reconnaissance mutuelle et le dialogue constant.

Chisasibi opte pour une cohabitation de proximité

Mark Wadden, député-chef de la Nation crie de Chisasibi, estime que la proximité géographique avec des municipalités jamésiennes comme Radisson ou Matagami favorise naturellement les liens du quotidien.

« Nous avons toujours été des voisins ! Radisson est très proche. C’est à seulement une heure de route. Nous y allons de temps en temps (…) Ils sont là. Nous sommes là. Ils ne partiront pas. Nous ne partirons pas », affirme M. Wadden.

Ces relations prennent forme à travers les déplacements fréquents, les échanges commerciaux et les gestes de solidarité. Il évoque notamment l’accueil reçu à Matagami lors des feux de forêt de 2023, où plusieurs membres de sa communauté ont été hébergés.

« Matagami nous a toujours très bien accueillis. […] Je connais quelques-uns de nos conseillers qui sont restés au Centre civique », dit l'élu.

Mark Wadden, député-chef de la nation crie de ChisasibiFacebook de la Nation Crie de ChisasibiMark Wadden, député-chef de la nation crie de Chisasibi

Mark Wadden croit également au potentiel de développement commun, surtout dans le secteur minier, encore naissant à Chisasibi. Pour lui, former la jeunesse crie et bâtir des partenariats économiques régionaux est essentiel.

« Nous pourrions avoir beaucoup d’entrepreneurs généraux, mais nous devons encore former notre personnel. L’exploration minière est nouvelle pour nous, à Chisasibi », concède le député-chef.

Il appelle à une transparence politique accrue, des relations équitables et un engagement mutuel dans une optique de réconciliation.

Waswanipi prône le dialogue interculturel

Pour Irene Neeposh, cheffe de la communauté crie de Waswanipi, l’ouverture à l’autre s’est intensifiée ces dernières années. Les échanges en haut lieu avec les Jamésiens portent désormais sur des enjeux concrets comme la sécurité alimentaire et la gestion des urgences liées aux changements climatiques.

« L’une des choses les plus importantes est la sécurité alimentaire. Et maintenant que les feux de forêt sont venus s’ajouter à ça, nous discutons aussi pour trouver comment mieux réagir dans les situations d’urgence », observe la cheffe crie.

Irene Neeposh, cheffe de la communauté crie de WaswanipiFacebook du Grand Conseil des CrisIrene Neeposh, cheffe de la communauté crie de Waswanipi

Elle insiste sur la richesse que représente la diversité culturelle sur le territoire. Toutefois, elle déplore les effets encore bien présents de la barrière linguistique, particulièrement entre le français et la langue crie.

« J’ai toujours du mal à comprendre la division causée par les barrières linguistiques alors que la langue n’est qu’une composante de ce que nous sommes chacun. En fait, c’est douloureux », admet-elle.

Sur la question des droits issus des traités, Mme Neeposh souligne un manque de compréhension généralisée, freinant le dialogue. Elle appelle à une meilleure éducation publique à ce sujet.

« Si nous pouvions comprendre la différence entre ce qui est un titre et ce qui est un droit […] cela pourrait contribuer à un dialogue plus constructif », confie la cheffe crie de Waswanipi.

Enfin, elle rappelle que certaines pratiques partagées, comme la chasse et la pêche, sont des terrains communs où peut se bâtir une entente culturelle humaine et immuable.

Un avenir fondé sur l’éducation et la reconnaissance mutuelle

Les témoignages croisés de Mark Wadden et Irene Neeposh révèlent un fil conducteur : l’importance d'ériger un territoire commun fondé sur le respect universel, la diversité culturelle et l’apprentissage mutuel.

Si des défis subsistent — linguistiques, historiques ou économiques —, tous deux s’accordent pour dire que le dialogue et l'éducation demeurent deux outils puissants pour faire tomber les murs.

Eeyou Istchee Baie-James, jadis marqué par des lignes de fracture, s’oriente aujourd’hui vers un modèle de cohabitation accompli, où les Cris et les Jamésiens ne se contentent plus de partager l’espace, mais s’engagent à le transformer ensemble côte à côte. Un territoire en perpétuel mouvement, riche de ses diversités et prêt à construire, pas à pas, un avenir commun durable et prospère.