
Adaptation aux phénomènes extrêmes : enjeux de santé et sécurité civile dans le Nord-du-Québec

Alors que les changements climatiques redessinent les saisons, le Nord-du-Québec se trouve en première ligne face à des phénomènes météorologiques plus intenses et imprévisibles. Le Dr Stéphane Trépanier, médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive à la Direction de santé publique du Nord-du-Québec, insiste : « Le climat est en changement, et il va être de plus en plus imprévisible. »
Les projections régionales confirment cette tendance : une hausse des précipitations de 13 à 20 % est attendue dans les prochaines années, particulièrement en automne et en hiver. Si le nombre annuel de jours de précipitations restera stable (209–210 jours), les épisodes de fortes chutes de neige (10–20 cm) ou de pluies abondantes (10–20 mm) seront plus fréquents. Les hivers connaîtront davantage de précipitations, mais paradoxalement une réduction de la couverture neigeuse est anticipée, conséquence directe de températures plus élevées.
Des phénomènes extrêmes plus fréquents
Le climat nordique, longtemps perçu comme stable, se fragilise. Les tempêtes de neige, pluies diluviennes et vagues de chaleur s’intensifieront. Comparativement au sud du Québec, le Nord restera moins vulnérable aux inondations, mais les risques liés aux précipitations extrêmes demeurent bien réels. « Le pire arrive si on reste isolé à cause d’une tempête », rappelle le Dr Trépanier, soulignant l’importance d’une préparation minimale de 72 heures à domicile à savoir, eau, nourriture, radio à piles, médicaments, couvertures et trousse de premiers soins.
Conséquences sur la santé et le bien-être
Les tempêtes hivernales ne se limitent pas à un simple inconfort, elles peuvent représenter une menace directe pour la santé. Le froid extrême expose directement au risque d’hypothermie et d’engelures, tandis que les surfaces glissantes et la circulation périlleuse provoquent de nombreux accidents, allant des fractures aux traumatismes crâniens. Les efforts physiques soutenus, notamment lors du déneigement, peuvent entraîner des crises cardiaques. À ces dangers s’ajoutent les intoxications au monoxyde de carbone (CO), souvent liées à l’usage inapproprié de génératrices ou d’appareils de chauffage, ainsi que les incendies domestiques causés par une mauvaise manipulation ou une surcharge électrique. Sur le plan psychologique, ces épisodes accentuent le stress, l’anxiété et l’isolement, particulièrement chez les personnes vulnérables. Enfin, l’accès aux soins et aux médicaments se trouve fréquemment compromis lorsque les routes deviennent impraticables.
Les mesures de protection recommandées
Pour limiter ces risques, les autorités de santé et de sécurité civile insistent sur l’importance de gestes simples mais déterminants. Il est essentiel de suivre les prévisions d’Environnement Canada et l’état des routes via Québec 511, de sécuriser ses déplacements en déneigeant son véhicule, en adaptant sa conduite et en gardant à portée une trousse d’urgence (pelle, nourriture, eau, médicaments, couvertures). À domicile, une réserve de 72 heures est recommandée, de même que le dégagement des sorties d’air et des cheminées. La prévention du monoxyde de carbone demeure cruciale : installer un détecteur, éviter l’usage intérieur de génératrices ou de barbecues et s’assurer que les conduits d’échappement soient libres. Le pelletage doit être réalisé avec prudence, en respectant ses capacités physiques, muni d’une pelle légère, de vêtements chauds et de bottes antidérapantes. Enfin, la vigilance collective est indispensable, vérifier régulièrement l’état des voisins, des aînés et des personnes fragiles contribue à réduire les impacts de ces tempêtes.
Le rôle du réseau de santé et de la sécurité civile
En cas d’événement extrême, une structure de sécurité civile est activée, mobilisant le réseau de la santé pour prendre en charge les impacts physiques et psychologiques. Isolement, stress, chutes ou accidents sont autant de conséquences anticipées. « Nous devons continuellement nous améliorer pour détecter, prévoir et gérer ces événements », explique le Dr Trépanier.
Un portrait des vulnérabilités régionales aux changements climatiques a récemment été publié par le Centre régional de santé et de services sociaux (CRSSS) Baie-James. Il propose des projections jusqu’en 2080 et servira de base à un plan régional d’adaptation attendu d’ici deux à trois ans. Malgré les défis, le Dr Trépanier rappelle que l’hiver demeure une saison riche et belle dans le Nord-du-Québec : « Il y a de très belles choses à faire à l’automne et en hiver. J’invite les gens à en profiter pleinement, tout en restant préparés. »




